Je prépare mon burn-out : les clés du succès en 13 étapes

Par le docteur Anne Reverseau

1. Petit check quotidien
Chaque soir, avant de me coucher, je regarde l’agenda du lendemain, de la semaine, et du mois. Sans oublier de toujours vérifier ma liste des objectifs à long terme. Ce coup d’œil prospectif, rapide mais régulier, permet d’entretenir un haut niveau de stress favorisant insomnies, angoisses et souffle court.

2. La vie en couleurs
Je varie les couleurs de mes post-its. Stop au jaune pisse uniforme ! Je compartimente ma charge mentale :
  post-its jaune vif pour les urgences du travail
  bleu clair pour les tâches à long terme
  rose pour la vie familiale
  vert pour les choses à faire dans la maison ou au jardin
  blanc les rendez-vous médicaux, les vêtements à acheter et autres cartes d’identité à renouveler.
En multipliant ainsi les supports visuels, le sentiment d’avalanche se précise, mais ce sera une avalanche arc-en ciel…

3. Pas de temps mort
Je ne laisse pas passer une occasion d’avancer mon cours d’italien sur Duolingo. À raison de 10 minutes par jour dans le bus, en 2 ans, je suis bilingue. Aux toilettes, je trie ma boîte mail ou mes photos. Assise au bureau, entre deux tâches, je pense à faire mes étirements de nuque et d’épaules. En réunion, je fais mes contractions du périnée. Je prépare le menu de la semaine en attendant le métro.
Pour un burn-out en profondeur, il est important de commencer jeune. Pour ne jamais laisser de temps mort, on apprend sa poésie en randonnée le week-end, ses tables de multiplication aux toilettes, et les numéros de téléphone de la famille écrits sur le frigo, qu’on révise en débarrassant la table.

4. Le bien-être s’organise
Et si je veux aller marcher dans la forêt une heure vendredi matin ? Ou faire du yoga avant de manger à midi ? Comme il est difficile de trouver l’énergie pour une séance de méditation le soir avant de se coucher ! Comment m’y tenir si je ne planifie pas aussi ces tâches ? Le bien-être, le sport comme le repos, doivent trouver une place dans mon agenda. J’écris ces moments pour moi au stylo noir, non effaçable, bien visibles dans mon calendrier.
Et pourquoi ne pas aller plus loin ? Je choisis de dédier un jour hebdomadaire aux soins du visage ou des cheveux, je me fais masser par mon amant le mercredi soir. Si mon régulier est en télétravail le lundi, c’est le moment de programmer une partie de jambes en l’air !
Ainsi, j’organise mon bien-être pour que ma vie ressemble au synopsis bien rempli d’un jeune scénariste qui ne sait pas que, parfois, ce n’est pas la peine d’écrire qu’un personnage monte un escalier.

5. Soigner mes fréquentations
Pour préparer un bon burn-out qui dure, rien de tel que de savoir s’entourer. Je fais en sorte d’avoir toujours sous la main un collègue qui sache mettre la pression et dire au bon moment : « ce projet, on ne doit pas le rater, on nous attend au tournant ! », ou un innocent « tu sais qu’on est surveillé de près par nos collègues de telle ville » ?
Le B.A.BA d’un bon entourage, c’est la personne toxique. Il vaut mieux en choisir une vraiment toxique que de multiplier les collègues vaguement manipulateurs. Je choisis de préférence une personnalité bipolaire, ou au moins cyclothymique, qui saura alterner, avec un sens parfait de la dramatisation, une sympathique soirée émaillée de discussions personnelles avec une semaine où il ou elle fera un détour pour ne pas avoir à me dire bonjour.
Il faut ajouter à cela un indispensable petit chef qui aime donner des tâches à chacun avant de s’enfermer dans son bureau scroller devant des vidéos. Et saupoudrer le tout de trois ou quatre collègues incompétents ou démissionnaires, un secrétariat ou une équipe administrative débordée, un pepin de santé grave dans l’équipe, et le tour est joué. Mon burn out devrait pointer le bout de son nez avant la fin de l’année !

6. Se faire coacher
Il ne faut jamais hésiter à payer des gens : coachs en reconversion professionnelle ; coachs en nutrition ; coachs en relations familiales et gestion des problèmes de fratrie ; coachs en écriture, coachs en « vivre avec les allergies », coachs en reprise de masse musculaire, etc. Me faire aider, c’est investir de l’argent en moi : cela permet de développer une relation affective à ceux qui sont censés m’aider mais aussi un sentiment de culpabilité qui devrait me faire atteindre plus vite mon objectif premier, un bon burn-out !

7. Activer les notifications push
Je me fais aider par mes appareils : je mets des bips pour penser à lever les yeux de mon écran, faire trois pas, faire 10 squats, aller me coucher, éteindre la lumière et rallumer la lumière. Tout ce qui peut m’aider à m’organiser et à ne pas perdre de temps est bon à prendre, même si ça m’empêche de me concentrer plus de 2 minutes.
Peut-on imaginer les chevaliers refuser d’utiliser les premiers canons sous prétexte qu’ils étaient bruyants ? ils se seraient fait massacrer ! Il n’y a jamais de bénéfice, à long terme, à refuser la technologie. Alors j’adopte les gadgets avant tout le monde, cela me donne une longueur d’avance.

8. Je fais des formations de leader
Dès que l’occasion se présente au travail ou dans l’un de mes clubs de sport, d’échec ou de zumba, je m’inscris à des formations. Je vais apprendre à devenir « leader acteur de la qualité de vie au travail », « leader en action et interaction », « leader négociateur et médiateur de conflits », « leader qui donne du feedback, » etc. L’impression d’avoir du pouvoir et des responsabilités peut, chez certains sujets, accélérer l’épuisement professionnel.

9. Faire feu de tout bois
Je ne lis pas un livre sans avoir un bloc note, papier ou numérique, à mes côtés. On a si vite fait d’oublier ce qu’on vient de lire !
Au cinéma, je ne me laisse pas complètement embarquer dans l’histoire : je reste attentif à l’utilisation de la musique et aux ruses scénaristiques. J’analyse le jeu des acteurs, les choix de lumière… J’observe mes contemporains au musée ou au restaurant : il en ressortira toujours quelque chose.
Le principe est le même qu’à l’école : il ne s’agit jamais de tout bêtement contempler. Si vous lisez une poésie, attendez-vous à devoir répondre à 5 questions sur 2 points. Si vous avez une belle carte géographique sous les yeux, sachez qu’on va vous demander d’y légender des rectangles et des flèches. L’idée est de ne jamais profiter simplement de ce que vous êtes en train de faire.

10. Avoir un gros agenda
Je choisis, au sens propre, un gros agenda : je privilégie les modèles A5, voire A4, et je remplis chaque case. Une semaine peu chargée arrive : profitez-en pour y placer ce que vous auriez dû faire il y a plusieurs mois déjà, ou les tâches récurrentes d’une semaine type. Si un week-end semble libre, inscrivez tout ce que vous auriez envie d’y faire
L’idée est de saturer l’agenda : d’y inscrire plusieurs vies, toutes vos vies, y compris les vies possibles.

11. Garder l’actualité à l’œil
Un bon burn-out ne se prépare pas sans une attention constante à l’actualité la plus angoissante. Le secret est de ne pas approfondir les sujets, il ne s’agit pas de lire les articles de fond, mais bien d’être exposé régulièrement aux titres les plus anxiogènes. Je réactive donc mes notifications, je m’abonne aux newsletters des journaux et magazines que j’ai l’habitude de lire. Selon mon type d’intelligence (analytique et abstraite, ou plus créative et visuelle – voir le n° 2389 de cette collection « Connaître son type d’intelligence »), j’accroche au mur au-dessus de mon bureau, ou près de ma table de nuit, un graphique indiscutable sur les effets du réchauffement climatique ou une image découpée de territoires dévastés par des incendies ou des inondations photogéniques.

12. Prendre l’air
Il est indispensable de prendre l’air régulièrement, tout le monde le sait. Que j’habite en ville ou à la campagne, je n’oublie pas de faire mon tour quotidien. Mais je ne sors pas sans mon téléphone, qui fait office de podomètre. Je partage mes temps de jogging, mes itinéraires de trail avec des collègues et amis, pour me challenger.
Et, en marchant, je sors les mains de mes poches pour la marche rapide, car c’est le balancement des bras qui caractérise la marche rapide, par rapport à la marche lente qui elle ne sert quasiment à rien. Avant de sortir, je me fixe des objectifs de pensée : à quoi vais-je réfléchir pendant ma demi-heure de promenade ? S’il faut prendre une décision importante, quelle est-elle ? Mieux elle sera formulée, plus il me sera facile d’y répondre. Si une idée de génie surgit pendant que mon corps est en mouvement, comme cela arrive souvent, je prends le temps de m’arrêter pour la noter, ou mieux, j’enregistre des mémos que je sauvegarde soigneusement.
Dans la forêt, je suis attentif à mes pensées. Si quelque chose revient régulièrement, c’est peut-être le signe qu’il faut en faire quelque chose : le sujet de mon prochain film, ou simplement en parler à mon psy. Si j’ai l’habitude de parler à un personnage imaginaire qui chemine avec moi, j’en fais aussi quelque chose : un roman épistolaire, une correspondance au long cours, un podcast…

13. No chilling
Ne vous laissez jamais complètement aller ! Quand je cuisine, j’ai en tête les besoins nutritionnels de toute la famille et les apports de tel ou tel aliment. Je n’ajoute jamais de sel gratuitement.
Quand je danse, je pense à bien plier mes genoux pour renforcer le bas du corps et je lève aussi les bras, pour tonifier le haut !
Quand je fais l’amour, j’ai en tête le nombre de calories dépensées dans telle ou telle position ainsi que les statistiques annuelles sur la satisfaction sexuelle de la population. J’essaie toujours d’imaginer ce que l’autre voit ou ne voit pas de mes parties intimes. Je m’entraîne à contracter et décontracter le périnée selon un rythme croissant : 3, 3, 4, 4, 5, 5. Je respire consciemment. Je ne ferme pas les yeux, ou le moins possible. Je conscientise le moindre de mes bruits. Je sais être enthousiaste sans être sauvage ; je ne suis pas passive mais je ne fais pas peur à l’autre. Je suis attentive et je me laisse aller, non, je ne me laisse pas aller, mais je prends du plaisir. Si ça ne marche pas, il existe beaucoup de modes d’emploi, il suffit de suivre les étapes, dans l’ordre. N’importe qui peut y arriver, c’est gratuit. C’est la plus belle chose du monde. Quelle chance vous avez de pouvoir faire l’amour ? Quoi, vous ne sentez rien ? Vous êtes frigide ? Gardez toujours ces préceptes en tête au lit, un bon burn-out se prépare aussi dans la sphère intime.

En conclusion – à répéter comme un mantra :
La flemme, c’est l’ennemi
La procrastination n’est pas de la paresse, c’est une réponse dépressive


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